Extraits de la Préface et article de Jean Mabire
Extraits de la Préface:
" Certains mots sont fées. Partis de bas, ils s'élèvent très haut, "Opinion " est l'un d'eux..."
" L’opinion individuelle a peu de poids, car elle varie, elle manque de dignité ; née d’impresssions, de souvenirs, parfois d’une mode, elle change souvent.
Mais si vous entendez prononcer : "C’est l’opinion publique ", tous se tiennent cois ; on s’incline, même si on la juge absurde..."
" Les démocraties se proclament les servantes de l’opinion publique ; la presse, la radio, la télévision la cultivent, la flattent et s’efforcent de la former ou de la modifier à leur bénéfice. Les gouvernements mêmes tremblent devant elle..."
" On aimerait comprendre ce qui s’est passé. Comment la France, dominée par la foi religieuse aux XIème- XIIème siècles, par la raison aux XVIIème et XVIIIème siècles, se trouve-t-elle au XXème siècle tombée sous l’empire de l’opinion, que tous prétendent adorer, mais que chacun juge absurde ?
Tel est le sujet de ce livre. "
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Article de Jean Mabire ( extrait de Patrimone des lettres 2002, tome VIII ' Que Lire' , Editions DUALPHA ).
Bernard Faÿ
Un historien des plus originaux
et des plus engagés
Il est des livres qui devvraient marquer leur époque. Ainsi Naissance d'un monstre, l'opinion publique. Cet ouvrage qui survole allègrement des siècles d'Histoire apparaît d'une étrange et insolite actualité. Son auteur, mort voici plus d'un quart de siècle, fut un des représentants les plus curieux du monde intellectuel de son temps.
Homme de convictions affirmées - que l'on ne peut pas toujours partager - mais qu'il étaye par une incroyable et minutieuse érudition, il fut le grand spécialiste des sociétés de pensée de la fin du XVIIIe siècle et un bon connaisseur des Etats Unis, de leur philosophie, de leur impérialisme. Son catholicisme militant et son antimaçonnisme quasi obsessionnel devaient conduire cet administrateur de la Bibliothèque Nationale à diriger, de 1941 à 1944, le revue Les documents maçonniques.
Cette activité lui valut, lors de l'Epuration, une peine de travaux forcés à perpétuité auxquels il mit un terme par une rocambolesque évasion qui le conduisit en Suisse, où il continua sa besogne de chercheur infatigable.
Etrange personnage qui triompha, à force de volonté, d'une grave maladie infantile, cet ancien professeur au Collège de France avait été à sa mabière un homme d'action et même un militant.
Il se révéla aussi avec Les Précieux, le plus singulier des critiques littéraires, ami de Gide et de Claudel, de Morand et de Cocteau, de Valéry et de Proust. Rien de ce qu'il a écrit n'est indifférent.
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