Administrateur brillant et actif, M. Cain avait été gêné par le manque de ressources. Il est impossible de gérer d’une façon satisfaisante une bibliothèque comprenant 8 000 000 de volumes, 175 000 manuscrits, 233 600 cartes et plans, 255 000 médailles, et de les conserver, classer, cataloguer, communiquer aux chercheurs avec un personnel de 250 techniciens, employés et gardiens. Il en résultait un gros retard dans la confection des catalogues, retard fâcheux à toute époque, dangereux particulièrement en une ville occupée par un ennemi avide, érudit et prompt à saisir tous les prétextes pour s’approprier toutes les richesses et tous les instruments de travail qui peuvent lui convenir. Lors de ma nomination à la Bibliothèque Nationale, des commissions allemandes comprenant une quarantaine de bibliothécaires mobilisés, procédaient à l’inventaire de certains fonds qui les intéressaient: incunables provenant de Rhénanie, manuscrits relatifs à l’Allemagne, l’Alsace et la Lorraine. De plus nos fonds musicaux, peu ou point catalogués, étaient l’objet d’enquêtes répétées. Il n’était pas possible d’ignorer ce danger.
Je me hâtai donc de procurer à la maison les crédits et le personnel nécessaires pour accélérer le travail des catalogues, ou le commencer là où il le fallait. Après vingt mois d’effort, par la loi du 7.3.1942 la Bibliothèque Nationale obtint un crédit annuel de près de 25 000 000 permettant d’accroître jusqu’à environ 1 000 l’effectif des fonctionnaires et employés, et de faire passer de 6 à 12 le nombre des départements. Ainsi furent créés des départements techniques: musique, géographie, histoire contemporaine, centre de documentation… On put accélérer le travail des catalogues et en commencer là où besoin était. L’effort accompli fut considérable.
On en fut bientôt récompensé par un premier résultat: le Dr Krüss, directeur de la Bibliothèque d’Etat de Berlin et chef de l’ensemble des bibliothèques allemandes, fit à son Gouvernement un rapport concluant au maintien sur place de tous les livres catalogués et connus comme étant dans une bibliothèque bien tenue. Ce rapport approuvé par les hautes autorités allemandes nous donna des apaisements.
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